samedi 30 janvier 2016

La colère monte en Bretagne

Extraits du journal Le Monde du 25 janvier 2016 :

"La mobilisation ne faiblit pas. Depuis le 20 janvier, des agriculteurs bretons, mais aussi de la Sarthe ou de Charente Maritime, manifestent pour protester contre les courts très bas, inférieurs aux coûts de production, auxquels le porc, le lait et la viande bovine sont achetés par les industriel de la transformation.
Thierry Couë, éleveur de porc, président de la Fédération régionale des syndicats d'exploitants agricoles (FRSEA) de Bretagne et vice-président de la Fédération départementale (FDSEA) du Morbihan, dénonce une concurrence inéquitable entre producteurs européens et un déséquilibre entre agriculteurs, transformateurs et grandes surfaces.




Un plan de soutien à l'élevage a été annoncé en juillet. Comment la situation a-t-elle évolué depuis?
Non seulement la crise n'a pas été résolu mais elle s'est amplifiée. Nous vivons un drame social; les éleveurs sont exsangues, ils n'ont plus de trésorerie et quittent le métier les uns après les autres. En Bretagne, près de cinq exploitations ferment en moyenne chaque semaine. Et ce chiffre risque d'augmenter. Si rien ne change, 30 à 40% des éleveurs porcins, bovins et des producteurs laitiers pourraient cesser leur activité à très court terme.  
Le plan d'urgence adopté en juillet était nécessaire. Au 31 décembre, 180 millions d'euros avaient été versés (sur les 700 millions d'euros qui doivent être débloqués d'ici à 2017). Mais rien que pour la filière porc, nous aurions besoin de 600 millions d'euros. Une exploitation porcine moyenne perd 6 000 à 8 000 euros par semaine. Ces aides servent à pallier quelques semaines de prix trop bas.
Pourquoi les cours baissent-ils?
Il y a eu, à l'été, un engagement des grandes et moyennes surfaces sur des prix qui tenaient la route, mais il n'a été que très peu respecté. Que ce soit pour le porc, le bœuf ou le lait, les prix sont lamentables. Le cours du porc fixé à 1.40 euro l'été dernier, avoisine les 1.10 euros depuis deux mois. Ce n'est plus tenable.
Cela s'explique par une surproduction dans certains pays européens, et notamment en Espagne. Pourquoi tous les surplus européens devraient-ils se retrouver sur le marché Français? Nous avons nous-mêmes beaucoup de mal à pénétrer les marchés espagnol, belge ou allemand car tous les autres pays se protègent.
Pourquoi l'élevage français n'est-il pas compétitif?
La production française est une filière d'excellence : elle est irréprochable sur le plan sanitaire; nous avons des conditions drastiques pour l'alimentation des animaux; nous avons des charges plus élevées en raison de notre système fiscal et social... On ne peut pas nous comparer à des producteurs européens qui utilisent des produits que l'on ne s'autorise pas et qui ont une main-d'œuvre beaucoup moins chère ! La qualité n'est plus la même. C'est pour cela que l'on demande un étiquetage "viande française" plus poussé, y compris sur les produits transformés.
Le gouvernement explique que c'est un niveau européen que doit être décidée la traçabilité des produits transformés...
Nous ne pouvons plus entendre ça. Soit on accepte une politique agricole commune (PAC) libérale, soit on se bat pour retrouver des outils d'intervention pour protéger les éleveurs face à cette crise. Nos demandes ne sont pas irréalistes mas il faut se battre. On ne peut pas nous ajouter des normes de qualité en matière environnementale, de bien-être animal, sanitaire, et nous mettre sur le même plan que n'importe quel produit banalisé sur u marché mondialisé. C'est contradictoire.
Bloquer des routes est-il le meilleur moyen pour porter vos revendications?
Nous le faisons par nécessité. Chacun se rend bien compte que l'on a été beaucoup trop loin. Il y a un tel déséquilibre, un tel rapport e force entre les agriculteurs, les transformateurs et les grandes et moyennes surfaces. Est-ce que vous avez constaté une baisse des prix dans les supermachés? Il y a un maintien des prix à la consommation et une baisse des prix pour les elveurs. La marge reste dans la filière.
Soit on veut demain des élevages aux 10 000 porcs ou aux 10 000 vaches, soit on veut conserver des structures familiales, mais le double discours n'est plus audible. Si on veut des produits aux normes française, avec un cahier des charges particulier, il faut les valoriser.
Les consommateurs ont-ils eux aussi une part de responsabilité?
Au moment de l'acte d'achat, environ la moitié d'entre eux sont sensibles à l'identification de l'origine de la viande. Le prix entre évidemment en ligne de compte. Mas pour faire vivre un eleveur, il suffit qu'un consommateur débourse, par an, l'équivalent d'un mois d'abonnement à son téléphone portable. C'est une question très politique.
Comment envisagez vous la suite du mouvement?
Aujourd'hui il y a des blocages près de Lorient, près de La Rochellle, les syndicats se réunissent en Bretagne... Nous allons durcir le ton, les éleveurs sont déterminés. Le gouvernement ne peut pas rester coi."

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